Un président isolé

Lundi 6 octobre, Emmanuel Macron a marché seul dans Paris. Une promenade silencieuse jusqu’au square de l’île de la Cité, comme pour réfléchir à la tempête politique qui secoue son quinquennat.
Le matin même, Sébastien Lecornu, nommé à peine la veille à la tête d’un gouvernement « resserré », annonçait sa démission. Une décision qui replonge l’exécutif dans la tourmente, un an après la dissolution de 2024.

Dans la soirée, l’Élysée a annoncé que Lecornu restait chargé de négocier jusqu’à mercredi soir pour bâtir une base politique stable. En cas d’échec, Emmanuel Macron « prendra ses responsabilités ».

La majorité s’agace

Sébastien Lecornu a confirmé sur X qu’il rendrait compte mercredi soir au président. Il doit rencontrer les représentants du « socle commun », cette coalition fragile entre la majorité présidentielle et Les Républicains (LR), en présence de Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. Bruno Retailleau, le patron de LR et ministre de l’intérieur démissionnaire, a choisi de ne pas y participer.

Mais la stratégie d’Emmanuel Macron suscite l’agacement jusque dans son propre camp. Sur le plateau du « 20 heures » de TF1, Gabriel Attal a estimé qu’« il y a des décisions qui donnent le sentiment d’une forme d’acharnement à vouloir garder la main ».
D’autres cadres du parti présidentiel partagent ce constat et dénoncent une présidence trop centralisée.

Un gouvernement impossible à tenir

Lors de sa déclaration de démission, Sébastien Lecornu a dit son amertume. Il a expliqué que sa « nouvelle méthode », censée favoriser la coopération entre partis et limiter le recours à l’article 49.3, n’avait pas été comprise.
Selon lui, chaque formation politique agit comme si elle détenait seule la majorité, refusant les compromis. Il a aussi dénoncé « les appétits partisans » qui ont compliqué la formation du gouvernement, une allusion directe à Bruno Retailleau.

Ce dernier, reconduit à l’intérieur, a rapidement critiqué la nouvelle équipe sur les réseaux sociaux, affirmant qu’elle « ne reflétait pas la rupture promise ». Ses propos ont précipité la chute du gouvernement.

L’épisode Bruno Le Maire

Autre rebondissement : la nomination de Bruno Le Maire au ministère des armées. L’ancien ministre, éloigné de la politique depuis un an, avait accepté l’offre d’Emmanuel Macron. Mais sa désignation a provoqué la colère de plusieurs alliés, en raison de son rôle dans la dérive budgétaire de 2024.
Lundi soir, Bruno Le Maire a finalement renoncé, expliquant vouloir « faciliter les discussions nécessaires à la stabilité du pays ».

Un cadre de la majorité reconnaît qu’« il y a eu de la naïveté » : Macron et Lecornu auraient sous-estimé la charge symbolique du retour de Bruno Le Maire.

Les marchés s’inquiètent

Lundi midi, Sébastien Lecornu a réuni les ministres démissionnaires. Il leur a demandé de rester vigilants et de gérer les affaires courantes. Les marchés ont aussitôt réagi : la Bourse de Paris a chuté de 1,36 %, et l’euro a légèrement reculé face au dollar.

Les divisions à droite ont également animé les discussions. « Les Républicains ne peuvent pas refuser un gouvernement d’union et reprocher aux socialistes de ne pas y participer », a résumé un ministre sortant.

La menace de dissolution

Emmanuel Macron dispose désormais de quarante-huit heures pour décider de la suite. Il agite la menace d’une nouvelle dissolution pour pousser LR et le Parti socialiste à accepter un compromis. En réalité, aucun camp ne souhaite retourner devant les électeurs.

Si les négociations échouent, le président pourrait devoir nommer un premier ministre issu de la gauche, une option qu’il a toujours refusée. « Redissoudre sans tenter cette voie serait incompréhensible », estime le député Harold Huwart (LIOT).

Le risque d’un basculement

Une nouvelle dissolution pourrait profiter au Rassemblement national. Marine Le Pen y voit « l’option la plus raisonnable », mais beaucoup redoutent une majorité RN-droite à l’Assemblée.
L’ancien premier ministre Manuel Valls, lui aussi démissionnaire, prévient : « Ce ne serait pas une alternance, mais une rupture de régime. »

Quant à l’idée d’une démission du président, réclamée par La France insoumise, elle est écartée par son entourage. « Emmanuel Macron préfèrera entraîner tout le monde dans sa chute plutôt que de quitter le pouvoir », confie un député centriste.