John DeLorean, l’enfant terrible de Detroit
Né en 1925 à Detroit, John DeLorean grandit au cœur de l’Amérique ouvrière. Ingénieur brillant, il gravit à toute allure les échelons chez General Motors. Créateur de la Pontiac GTO — première vraie muscle car américaine — il devient le jeune vice-président vedette de GM. Costume impeccable, look de rockstar, idées avant-gardistes : DeLorean détonne dans le vieux monde automobile.
Mais l’homme veut plus. Il ne rêve plus de vendre des voitures, il veut marquer l’histoire. En 1975, il quitte GM et fonde la DeLorean Motor Company. Objectif : créer une voiture révolutionnaire, sûre, durable, et dessinée pour traverser le temps.
Avec l’ingénieur William Collins et le designer Giorgetto Giugiaro, il imagine un coupé aux lignes futuristes et aux célèbres portes papillon. Carrosserie en acier inoxydable brossé, sans peinture — une première. Trois exemplaires seront même plaqués or avant le lancement de la DMC-12 en 1981.
Grâce à Colin Chapman (fondateur de Lotus), la DMC-12 hérite d’un châssis inspiré de la Lotus Esprit. L’ensemble est solide, bien suspendu, mais pas très nerveux : le moteur PRV V6 de 2,85 L (130 ch) fait pâle figure face aux sportives américaines.
En revanche, l’intérieur est moderne : clim, vitres électriques, autoradio cassette, lunette dégivrante… La DMC-12 mise sur le confort et le style plus que sur la vitesse.
Pour produire la voiture, DeLorean choisit Belfast, en Irlande du Nord, alors en plein conflit. L’usine, financée à hauteur de 120 millions de dollars par le gouvernement britannique, doit employer 2 500 personnes. Une aubaine sociale, mais un cauchemar industriel : main-d’œuvre peu formée, pannes à répétition, alternateurs fragiles, carrosseries mal ajustées.
En deux ans, à peine 8 583 voitures sortent de l’usine. Le rêve s’effondre. L’entreprise fait faillite, et John DeLorean, désespéré, cherche un moyen de la sauver. C’est là que l’histoire bascule.
En octobre 1982, DeLorean est arrêté par le FBI dans une chambre d’hôtel de Los Angeles, pris en flagrant délit de négociation d’un trafic de cocaïne censé rapporter 24 millions de dollars. Les images font le tour du monde : le génie de Detroit, costume blanc, menottes aux poignets. Le symbole d’un rêve américain brisé.
Le procès révélera une mise en scène du FBI destinée à le piéger, et DeLorean sera finalement acquitté. Mais le mal est fait : il a perdu son entreprise, sa fortune, sa réputation.
Ironie du destin : trois ans plus tard, Hollywood le réhabilite à sa manière. Dans Retour vers le futur, la DMC-12 devient la machine à voyager dans le temps la plus célèbre de l’histoire du cinéma. La voiture, moquée pour ses pannes, devient symbole de futur et d’évasion.
Dans les années 1990, un entrepreneur texan rachète les stocks et relance la production en série limitée. Et aujourd’hui encore, chaque DMC-12 qui roule rappelle cette vérité :
parfois, les plus grands échecs donnent naissance aux mythes les plus immortels.









