Dans Les Musiciens, Grégory Magne poursuit son exploration des sens, après Les Parfums,en s’attaquant à un autre langage invisible mais puissant : la musique. À travers l’histoire d’un quatuor à cordes réuni autour d’un Stradivarius et d’un héritage émotionnel, le réalisateur convoque le silence, l'écoute, la mémoire et le collectif. Il nous parle d’harmonie, pas seulement musicale, mais humaine.
Au micro de Manuel Houssais, Grégory Magne confie que le projet est né d’un double élan : une réflexion sur la médiation au sein des groupes et une interrogation sur ce qui pourrait pousser les spectateurs à revenir en salle, après les confinements. Il se remémore une expérience sensorielle intense : une violoncelliste jouant seule dans une salle vide, où chaque respiration, chaque vibration semblait s’adresser directement à lui. C’est cette émotion qu’il a voulu transmettre au cinéma.
Un quatuor de chair et de son
Le cœur du film bat au rythme des archets : "Il fallait qu’on croit à ces musiciens, qu’ils soient crédibles", insiste Grégory Magne. Le casting s’est donc fait parmi des comédiens musiciens ou des musiciens néophytes en comédie. Résultat : un vrai quatuor à l’écran, aussi juste dans le jeu que dans l’interprétation musicale.
Au centre de l’intrigue, une héritière souhaite rendre hommage à son père, passionné de musique classique, en rassemblant quatre instruments anciens, dont un Stradivarius. Autour de ce projet, un quatuor renaît, et avec lui, toutes les tensions, fragilités et beautés de la collaboration artistique.
Frédéric Pierrot, en résonance avec le personnage
Frédéric Pierrot incarne Charlie Beaumont, compositeur fictif et énigmatique. Pour entrer dans ce rôle, il a commencé par écouter la musique composée par Grégoire Hetzel, "C’est là que tout commence. En écoutant, je me demande : comment j’aurais composé ça, moi ?"
Pour l’acteur, le son a toujours primé sur l’image. "Le son, c’est aussi le silence, les voix, les frottements… c’est ce qui touche." Il évoque son admiration pour les instruments anciens, la longévité des Stradivarius, et cette idée : "On est tous un peu des instruments à cordes."
Un film qui commence par le son
Fait rare : le réalisateur a constitué son équipe technique en partant du son, recrutant d’abord un mixeur, puis les ingénieurs du son, avant même le directeur de la photographie. "Il y avait beaucoup de questions, peu de certitudes, et ça permettait de chercher ensemble", se réjouit Grégory Magne. Une approche humble et collective, à l’image du quatuor filmé.
Entre documentaire et fiction
S’il y a un film qui a inspiré Grégory Magne, ce n’est pas un drame intimiste européen, mais le documentaire Some Kind of Monster, sur Metallica. "Même si je ne suis pas un spécialiste du métal, ce film est passionnant et drôle. Je voulais faire quelque chose d’humain et touchant comme ça."
Moments de grâce
À l’évocation du tournage, les souvenirs refont surface. "Oui, il y a eu des moments de grâce", dit le réalisateur. Notamment ce concert final, ou une scène au coin du feu dont il préfère taire les détails. "Quand la musique fonctionne, il n’y a rien à ajouter." Frédéric Pierrot, lui, se souvient de la présence tutélaire du compositeur Jean Françaix, découvert par hasard et devenu une influence discrète, mais profonde.
Les Musiciens est un film sur l’écoute, au sens propre comme au figuré. Sur ces instants fragiles où quatre individualités s’accordent, sans chef d’orchestre, à l’instinct. Où les émotions passent par les cordes, la voix, et le silence. Et où le cinéma, parfois, parvient à faire entendre ce que seuls les musiciens entendent.